Page:Shakespeare, apocryphes - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 2.djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
LES APOCRYPHES.

parence définitive de la France à l’Angleterre, couronne l’expédition d’Édouard III par la double captivité du roi Jean et du roi David, c’est-à-dire par l’assujettissement des monarchies de France et d’Écosse à la monarchie britannique. Une même préoccupation de patriotisme exclusif se retrouve avec le même dédain de la stricte histoire, à la fin des deux drames. Les deux dénoûments, symboles diversement éclatants d’une idée unique, se complètent et se corroborent, et l’on peut affirmer que, dans l’esprit de l’auteur, l’un était le complément de l’autre.

Doutez-vous de ce que j’avance là ? Doutez-vous que Shakespeare rattachât dans sa pensée cette conclusion d’Édouard III à la conclusion de Henry V ? Eh bien, voici, sur ce point, un témoignage que nul ne récusera, le témoignage de Shakespeare lui-même :

Hear her (England) but exempled by herself :
When all her chivalry hath been in France,
And she a mourning widow of her nobles,
She hath herself not only well défended,
But taken, and impounded, as a stray,
The king of Scots, whom she did send to France
To fill king Edward’s fame with prisoners kings,
And make your chronicle as rich with praise,
As is the ooze and bottom of the sea
With sunken wreck and sumless treasures.
(Henry the Fifth. Sc. II.)

« Voyez l’exemple que l’Angleterre s’est donné à elle-même. Tandis que toute sa chevalerie était en France et qu’elle était la veuve en deuil de ses nobles, non-seulement elle se défendit parfaitement, mais elle prit et traqua comme une bête fauve le roi d’Écosse qu’elle envoya en France pour parer le triomphe du roi Édouard de captifs royaux et pour faire regorger de gloire notre chronique autant que le limon du fond des mers regorge d’épaves enfouies et d’incalculables trésors. »