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LES APOCRYPHES.

quel elle jouait, rejaillit contre elle en monstrueuse imminence. Mise ainsi au pied du mur, forcée dans ses derniers retranchements, la généreuse créature n’a plus qu’une ressource : mourir ! Elle tire un poignard de son sein ; s’agenouille, et déclare qu’elle va se tuer sur-le-champ si Édouard ne jure pas « de renoncer pour toujours à sa sacrilége poursuite. » Déjà la lame étincelante, aiguë, menace ce noble cœur. Qu’Édouard hésite, et celle qu’il veut avoir n’est plus qu’un cadavre ! Le roi est enfin vaincu : il fait le serment solennel qui désormais le lie à la vertu et à l’honneur, et sa passion humiliée s’incline en une respectueuse admiration devant un tel héroïsme : « Relève-toi, vraie lady anglaise, relève-toi, et que ma faute soit ta gloire dans les siècles à venir… Je suis éveillé de ce songe insensé… Warwick ! mon fils ! Derby ! Artois ! Audley ! Vous tous, mes braves guerriers, où avez-vous été tout ce temps-ci ?… Warwick, je te fais gardien du Nord !… Vous, prince de Galles, et vous, Audley, vite en mer ! volez à Newhaven ! Moi-même, Artois, et Derby, nous partons pour la Flandre. »

Et la campagne de France commence.

J’appelle l’attention spéciale de la critique sur ces trois admirables scènes qui ont pour base historique quatre chapitres de Froissart : Chap. clxv. — Comment le roi d’Angleterre vint atout son ost devant Salisbury cuidant trouver le roi d’Écosse et comment le dit roi fut surpris de l’amour à la comtesse de Salisbury. — Chap. clxvi. — Comment le roi Édouard dit à la comtesse qu’il fut d’elle aimé, dont elle fut fortement ébabie. Chap. clxvii. — Comment le roi d’Angleterre s’assit au dîner tout pensif, dont ses gens étaient fortement émerveillés. Chap. clxviii. — Comment le roi d’Angleterre prit congé de la comtesse de Salisbury et s’en alla après les Ècossois[1]. Rapprochez le récit de Frois-

  1. Voir ces chapitres aux notes de ce volume.