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SCÈNE VI.

nos pas ta tendre argile, — n’était que, par un orgueil revêche et dédaigneux, — tu te dérobes, comme un cheval ombrageux et indompté, — en nous frappant de tes ruades ! — Mais, dis-moi, Ned, dans ta course guerrière, — n’as-tu pas vu le roi usurpateur de France ?

le prince de galles.

— Oui, mon bon seigneur, il n’y a pas deux heures, — escorté d’au moins cent mille combattants. — Il était sur un des côtés de la rivière, — et moi sur l’autre. Avec ses multitudes, — j’ai crains qu’il ne moissonnât notre petite armée ; — mais heureusement, s’apercevant de votre approche, il s’est retiré dans les plaines de Crécy ; — où, déployé en bon ordre, il semble — avoir l’intention de nous livrer immédiatement bataille.

édouard.

— Il sera le bienvenu. C’est ce que nous souhaitons.

Tambour. Entrent le roi Jean, Charles et Philippe, ses fils, le roi de Bohême, le duc de Lorraine, et leurs troupes.
le roi jean.

— Maintenant, Édouard, écoute. Jean, roi légitime de France, — songeant que tu veux envahir son domaine — et, dans ta marche tyrannique, égorger — ses fidèles sujets, et ruiner ses villes, — te crache au visage et en ces termes — te reproche ton arrogante intrusion. — D’abord, je te flétris comme un fugitif, — comme un pirate ravageur, comme un drôle besogneux, — qui, soit qu’il n’ait ni feu ni lieu, — soit qu’il habite une terre stérile — où ne germe ni plante ni graine féconde, vit uniquement de brigandage. — En outre, attendu que tu as faussé ta foi — en rompant une alliance et un pacte solennel fait avec moi, — je te tiens pour le plus perfide misérable. — Et enfin, quoique je répugne à me mesurer — avec un être aussi inférieur, — pourtant, considérant que tu n’as d’autre soif