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ÉDOUARD III.

édouard.

— Il suffit. Ton mari et la reine mourront. — Tu es bien plus belle que n’était Héro, — et l’imberbe Léandre était moins fort que moi ; — pour celle qu’il aimait, il traversait à la nage un courant facile ; — mais moi, je veux, à travers un Hellespont de sang, — atteindre ce Sestos ou réside ma chère Héro !

la comtesse.

— Vous ferez plus, le flot que vous traverserez, vous le ferez vous-même — avec le sang de ceux qui départagent notre amour : — le sang de mon mari et de votre femme.

édouard.

— Ta beauté les rend coupables de leur mort, — en attestant qu’ils doivent mourir. — Sur cette déposition, moi, leur juge, je les condamne.

la comtesse.

— Ô beauté parjure ! ô juge plus corrompu encore ! — Quand, dans l’immense chambre étoilée qui est là au-dessus de nos têtes, — les assises universelles demanderont compte — de ces criminelles violences, nous frémirons tous deux.

édouard.

— Que dit ma beauté aimée ? Est-elle détermine ?

la comtesse.

— Déterminée à tout terminer ! Et voici comment : — Tiens seulement ta parole, grand roi, et je suis à toi. — Reste où tu es ; moi, je vais m’écarter un peu… — Maintenant regarde comme je vais me livrer entre tes mains.

Elle s’avance brusquement sur lui, et lui montre deux poignards.

— Ici, à mon côté, sont suspendus mes couteaux de noces. — Prends l’un des deux pour tuer la reine, — et apprends par moi à l’atteindre dans sa retraite. — Avec l’autre couteau, je vais frapper mon amour, — qui est