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SCÈNE II.

avare de ton auguste présence ; — étant si près de la muraille, franchis notre humble porte.

édouard.

— Pardonnez-moi, comtesse, je n’entrerai pas ; — j’ai rêvé cette nuit de trahison, et j’ai des inquiétudes.

la comtesse.

— Que la hideuse trahison s’embusque loin d’ici !

ÉDOUARD, à part.

— Elle n’est pas loin, elle est dans ces yeux conjurés — qui versent dans mon cœur un poison délétère, — que la raison ne saurait combattre, ni l’art guérir. — Il n’appartient plus au soleil seul — d’extraire avec sa lumière la lumière d’un regard mortel. — Car voici deux astres de jour, que contemplent mes yeux, — et qui, mieux que le soleil, tirent de moi la flamme ! — Ardeur contemplative ! Ardeur — qui, par la contemplation, aspire à la possession !…

Haut.

Warwick ! Artois ! à cheval, et partons.

la comtesse.

— Que pourrais-je dire, pour faire rester mon souverain ?

édouard.

Qu’ajouterait la parole à l’éloquence d’un regard — plus persuasif que la plus décisive harangue ?

la comtesse.

— Que ta présence, comme le soleil d’avril, — ne flatte pas notre terre pour s’évanouir soudain ! — Ne réjouis pas notre mur extérieur — pour refuser un égal honneur à l’intérieur de notre maison. — Notre logis, mon suzerain, est comme un paysan — dont l’habit grossier et les manières rudes et simples — n’annoncent pas grand’chose ; mais, intérieurement, il se pare — des trésors de l’hospitalité et de la fierté cachée. — Là, où le minerai d’or gît enseveli, — le sol, que ne recouvre pas la tapisserie de la nature,