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PÉRICLÈS.

périclès.

Je le crois. — Tournez encore les yeux vers moi, je vous prie. — Vous ressemblez à quelqu’un qui… De quel pays êtes-vous ? — De cette rive-ci ?

marina.

Non, ni d’aucune rive. — Et pourtant j’ai été mise au monde mortellement, et ne suis pas — autre que je ne parais.

périclès.

— Je suis gros de douleur, et il faut que je me délivre par des larmes. — Ma femme chérie ressemblait à cette jeune fille, et telle — pourrait être ma fille aujourd’hui… Voilà bien le front carré de ma reine ! — sa taille exacte ! droite comme une baguette !… — Voilà bien sa voix argentine ! ses yeux, joyaux splendides, — dans leur riche écrin ! sa démarche de Junon ! — La voilà bien, affamant les oreilles qu’elle rassasie et les rendant plus avides — à chaque mot qu’elle leur accorde… Où demeurez-vous ?

marina.

— Ici, où je ne suis qu’une étrangère : du pont — vous pouvez distinguer l’endroit.

périclès.

Où avez-vous été élevée ? — Et comment avez-vous acquis ces talents que — vous faites si richement valoir ?

marina.

Si je vous disais mon histoire, — elle vous ferait l’effet de ces fables dédaignées aussitôt que contées.

périclès.

Je t’en prie, parle ; — nulle fausseté ne peut venir de toi, car tu as l’air — modeste comme la justice, et tu sembles un palais — où doit trôner la vérité couronnée. Je te croirai ; — et je forcerai mes sens à ajouter foi à ton récit, — sur les points même qui sembleraient impossibles ; car tu ressembles — à quelqu’un que j’ai aimé vraiment. Quels étaient