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SCÈNE XIII.

A nom Philotène ; et l’on assure
Dans notre histoire qu’elle
Voulait toujours être avec Marina ;
Soit qu’elle filât l’écheveau soyeux
De ses doigts longs, menus, blancs comme le lait ;
Soit qu’avec la pointe de son aiguille elle blessât
La batiste, qu’elle rendait plus belle
À chaque piqûre ; soit qu’elle chantât
Sur le luth et fit taire l’oiseau de nuit
Aux accents toujours plaintifs ; soit que
D’une plume riche et constante elle
Célébrât Diane sa maîtresse. Toujours
Cette Philotène veut rivaliser de talent
Avec l’accomplie Marina : comme si
Le corbeau pouvait lutter avec la colombe de Paphos
Pour la blancheur des plumes. Marina obtient
Tous les éloges, qui lui sont décernés, comme dettes,
Et non comme dons. Ainsi sont éclipsées
Toutes les grâces de Philotène, tellement
Que la femme de Cléon, saisie d’une envie rare,
Suscite un meurtrier
À la bonne Marina ; sa fille,
Grâce à cet assassinat, devra rester sans rivale.
Pour favoriser son infâme projet,
Lychorida, notre nourrice, est morte.
Et la maudite Dionysa a
Sous la main l’instrument de sa fureur
Prêt à frapper le coup fatal. Je recommande
À votre complaisance l’événement qui va naître.
Je ne puis que faire marcher le temps
Ailé à l’allure boiteuse de ma rime ;
Et je ne pourrais jamais y réussir,
Si votre pensée ne m’accompagnait.
Dionysa paraît
Avec Léonin, le meurtrier.

Il sort.