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LES APOCRYPHES.

féeries, drames, drames-chroniques, — que les traditions du dix-septième et du dix-huitième siècle imputaient à l’auteur d’Hamlet. La critique anglaise, au contraire, a rejeté impitoyablement toutes ces pièces à l’exception d’une seule, Périclès, et n’a accepté comme authentiques que les trente-six ouvrages insérés dans l’in-folio de 1623.

L’in-folio de 1623 est le type unique sur lequel ont été modelées les plus célèbres éditions modernes, depuis celle de Pope jusqu’à celle de M. Staunton, depuis celle de Johnson jusqu’à celle de M. Singer, depuis celle de Warburton jusqu’à celle de M. Dyce, depuis celle de Malone jusqu’à celle de M. Collier, depuis celle de Steevens jusqu’à celle de M. Knight. L’in-folio de 1623, c’est pour toute la tribu des critiques anglais la loi et les prophètes. Le verbe du maître est là, et n’est que là. Cet in-folio est vraiment la bible laïque du monde anglo-saxon. Toutes les presses d’Angleterre, d’Écosse, d’Irlande, du Canada, des États-Unis, sont sans cesse occupées à le répandre. Il a, comme l’Écriture sainte, son manuel de concordance. Il a ses propagateurs dans la Société shakespearienne, comme le Pentateuque a les siens dans les sociétés bibliques. Il a ses chapelles dans toutes les bibliothèques et son temple au British Museum. Il a ses dévots et ses pèlerins qui viennent journellement le vénérer dans sa châsse, ses missionnaires qui le colportent dans le monde entier, ses docteurs qui l’expliquent, ses ministres qui le prêchent. Il faut voir quel fanatisme inspire ce texte sacré. Que d’efforts pour justifier ses erreurs, pour dissimuler ses lacunes, pour voiler ses taches les plus criardes ! La faute la plus grossière a des thuriféraires. On adore jusqu’à des coquilles ! Aussi que de fureurs soulève l’imprudent qui ose révoquer en doute l’infaillibilité de l’in-folio et se permettre, je ne dis pas de l’amplifier, mais de le rectifier. Il y a quelques années, un respectable savant, M. Payne Collier, proposa et tenta d’introduire dans le texte