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INTRODUCTION.

dans un combat solennel de cent chevaliers contre cent chevaliers ; Émilie devra appartenir au vainqueur. — Nous voici au livre VI. — Palémon et Arcite se préparent à ce tournoi décisif, et chacun convoque par des hérauts ses partisans. Les princes de la Grèce se rendent, bannières au vent, à ce double appel. D’un côté se présentent Lycurgue, Pélée, Phocus, Télamon, Agamemnon, Ménélas, Castor et Pollux ; de l’autre Nestor, Évandre, Pirithoüs, Ulysse, Diomède, Minos, Pygmalion, tous héros ou demi-dieux, tous chevaliers. Le moment fatidique approche ; un jour seulement nous sépare de la bataille. Arcite, Palémon, Émilie passent en prières cette veillée des armes ; Arcite s’adresse à Mars, Palémon à Vénus, Émilie à Diane ; et, chose surprenante, les trois divinités infaillibles ont répondu aux trois invocations par des signes favorables. — Enfin a lieu l’épreuve suprême qui tient attentifs la terre et le ciel. La mêlée est terrible. Après des efforts prodigieux, Palémon est vaincu et fait prisonnier. Mais à ce moment même la destinée se rétracte : le cheval d’Arcite se cabre, épouvanté par une furie que Vénus a tout exprès déchaînée de l’enfer. Arcite tombe. On le relève mortellement blessé. Il entre agonisant dans Athènes, ayant Émilie à ses côtés sur le char de triomphe devenu un char funèbre. Bientôt ses forces le trahissent, et il expire en léguant sa bien-aimée à Palémon délivré. Palémon épouse Émilie et témoigne sa reconnaissance envers son généreux vainqueur en lui élevant un monument.

Telle est l’épique légende que nous retrouvons dans le récit du Chevalier[1] au commencement des Contes de Cantorbéry. Chaucer a condensé en deux mille vers les dix mille vers de Boccace. Mais le poëte anglais ne s’est pas borné à résumer l’épopée italienne, il l’a souvent remaniée d’une

  1. Voir la traduction de ce conte à l’Appendice.