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LE CONTE DU CHEVALIER.

éclats sur les boucliers épais, et plus d’un cœur est transpercé. Les lances se dressent hautes de vingt pieds ; les épées dégainées reluisent comme de l’argent. Les casques sont hachés et lacérés, et le sang coule en sinistres flots rouges. Les masses d’armes énormes écrasent les os. Un cavalier se jette au plus épais de la mêlée ; son destrier trébuche ; il tombe, et va rouler sous les pieds comme une balle. Cet autre poursuit son adversaire avec un tronçon d’épée, et est à son tour précipité à terre avec son cheval. Celui-là est blessé en pleine poitrine ; saisi, malgré ses efforts, il est amené au poteau, et doit demeurer ainsi, par l’ordre du duc. Un autre captif est emmené de l’autre côté. De temps en temps Thésée invite les combattants à se reposer, à se rafraîchir et à boire à leur aise.

Maintes fois dans cette journée, les deux Thébains se sont attaqués et blessés ; chacun d’eux a désarçonné l’autre. Le tigre de la vallée de Galaphey, à qui on a volé son petit, est moins acharné contre son persécuteur qu’Arcite contre Palémon. Le lion terrible de Belmarie, quand il est en chasse et affamé, est moins impatient d’avoir le sang de sa proie, que Palémon, de tuer son ennemi Arcite. Les coups jaloux mordent leurs casques, et le sang coule vermeil de leurs flancs.

Enfin voici let terme de tous ces exploits. Avant le coucher du soleil, le vaillant roi Émétrius a atteint Palémon, quand celui-ci se battait avec Arcite, et lui a entamé profondément la chair avec son épée. Vingt combattants saisissent alors Palémon, qui se débat, et le traînent au poteau. En accourant à la rescousse de Palémon, le fort roi Lycurgue est renversé ; quant au roi Émétrius, malgré toute sa vigueur, Palémon l’a déjà désarçonné, avant d’être pris. Inutile prouesse ! Palémon est amené au poteau. Son cœur hardi ne lui est plus bon à rien. Dès qu’il est pris, il doit attendre son arrêt, bon gré mal gré.