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ACTE V, SCÈNE IV.

pirithoüs.

Écoutez donc ! Votre cousin — montait le cheval qu’Émilie — lui avait donné naguère, un cheval noir, n’ayant pas — un poil blanc ; singularité qui, prétend-on, — diminue son prix et qui l’empêcherait, — malgré son excellence, d’être acheté par bien des gens, en raison d’une superstition — fort répandue ici. Ainsi chevauchait Arcite, — trottant sur les pavés d’Athènes, que les paturons de la bête — semblaient compter plutôt que fouler ; car ce cheval — ferait un mille d’un bond, pour peu qu’il plût à son cavalier — de le stimuler. Comme il allait ainsi comptant — les dalles de pierre, dansant pour ainsi dire sur la musique — que faisaient ses sabots (c’est du fer, dit-on, — que la musique tire son origine), un caillou perfide, — froid comme le vieux Saturne et, comme lui, recelant — un feu funeste, lança une étincelle — ou je ne sais quel brusque et fatal éclair. Le cheval, ardent comme la flamme, — prit ombrage et s’abandonna à tout l’emportement — que ses forces donnaient à son instinct ; il bondit, il se cabre, — il oublie la règle d’école à laquelle il a été dressé, — lui si facile à manier ; il geint comme un porc, — sous l’éperon aigu qui l’exaspère — sans le faire obéir, et emploie toutes les vilaines ruses — d’une rosse furieuse et violente pour désarçonner — son cavalier qui le domine bravement. Tout est inutile, — le mors ne voulant pas se briser, ni la sangle se rompre ; les plus brusques soubresauts — n’ont pas déraciné le cavalier qui — l’étreint, toujours entre ses genoux ; alors sur ses sabots de derrière — il se dresse tout debout, de telle sorte que les jambes d’Arcite, plus hautes que sa tête, — semblaient suspendues par un art étrange. La couronne du vainqueur — lui tombe alors de la tête, et immédiatement — l’animal se renverse en arrière, s’affaissant — de tout son poids sur le cavalier. Pourtant Arcite vit encore, — mais il est comme le vaisseau qui ne flotte que