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LES DEUX NOBLES PARENTS.

ment se refuser à la croire ? Bref, — pour ceux qui jasent ayant réussi, je ne suis pas un camarade ; — pour ceux qui, n’ayant pas réussi, se vantent, je suis un ennemi ; — pour ceux qui voudraient réussir et n’y parviennent pas, je n’ai que des applaudissements. — Non, je n’aime pas celui qui raconte de secrètes intrigues — de la plus sale manière, ni celui qui trahit des mystères — dans le plus impudent langage. Tel je suis, — et je jure que jamais amant n’a jamais soupiré — plus sincèrement que moi. Donc, ô souverainement tendre déesse, — donne-moi la victoire dans cette lutte où se débat — le mérite (lu véritable amour, et honore-moi d’un signe — de ta haute faveur.

Ici on entend une musique, et l’on voit voltiger des colombes. Tous se prestement la face contre terre, puis se mettent à genoux.

— Ô toi qui règnes sur les cœurs mortels — de onze à quatre-vingt-dix ans, toi qui as pour parc ce monde — et nos hordes pour gibier, je te remercie — de ce gage propice ! En fortifiant — mon cœur innocent et loyal, il m’arme tout entier d’assurance — pour cette entreprise. Relevons-nous, et — inclinons-nous devant la déesse ! Le temps marche.

Ils s’inclinent et sortent.
Doux accords de flageolets. Entre Émilie, les cheveux sur les épaules ; sur la tête une guirlande d’épis ; une jeune fille en blanc, ayant des fleurs dans les cheveux, tient la queue de sa robe ; une autre porte devant elle un encensoir d’argent, en forme de biche, remplie d’encens et de parfums, qu’elle dépose sur l’autel ; elle se retire ; Émilie y met te feu ; puis toutes s’inclinent et s’agenouillent.
émilie.

— Ô reine sacrée, mystérieuse, froide et constante, — ennemie des orgies, muette, contemplative, — suave, solitaire, blanche autant que chaste, pure — comme la neige tamisée au vent, toi qui à tes chevaliers femelles — ne laisses que le sang nécessaire à la rongeur, — cette robe