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LES APOCRYPHES.

à laquelle appartenait Shakespeare, n’avait pas une foi aveugle dans l’infaillibilité, aujourd’hui si consacrée, de l’in-folio de 1623. Il est bien vrai qu’en 1632 cet in-folio a été réimprimé à peu près exactement par l’imprimeur Thomas Cotes, pour le compte de cinq libraires de Londres. Mais deux ans plus tard, en 1634, nous voyons le même Thomas Cotes, imprimer pour le libraire John Waterson un ouvrage complétement inédit, The Two Noble Kinsmen, les Deux nobles parents, en tête duquel le nom de Shakespeare resplendit associé au nom de Fletcher, — ouvrage inégal, mais souvent admirable, où l’on reconnaît le coup de plume souverain du maître.

Vingt-huit ans plus tard, en 1662, le libraire Kirksman publie une autre pièce entièrement inédite, la Naissance de Merlin, sur le titre de laquelle le nom de Shakespeare est accouplé à celui de Samuel Rowley. Rowley était en effet un des plus célèbres contemporains de Shakespeare. C’était un poëte d’un certain mérite, attaché à la troupe du prince de Galles, et auteur estimé d’une comédie reprise de nos jours avec succès au théâtre de Covent-Garden, — la Nouvelle merveille, ou une Femme jamais vexée. Il était le collaborateur assidu de Middleton, de Heywood et de Webster. A-t-il été réellement assisté par Shakespeare dans la composition de la Naissance de Merlin ? C’est ce qu’un examen minutieux pourrait seul élucider. La pièce, publiée en 1662, n’a jamais été réimprimée depuis, et les deux exemplaires du British Museum sont les seuls, je crois, qui aient survécu. Tieck, pour en faire la traduction qui parut en 1829 dans son Shakspeares Vorschule, dut recourir à une copie manuscrite qui lui avait été envoyée de Londres tout exprès. Le savant traducteur allemand conjecture que l’ouvrage fut écrit vers 1613 par les deux auteurs associés, et y reconnaît sans hésiter la main de notre poëte, notamment dans le troisième et dans le quatrième acte dont la supé-