1587. Un document authentique prouve que dès 1589 Shakespeare était au nombre des actionnaires importants de la Compagnie du lord chambellan. De 1585, date probable de la première composition dramatique de Shakespeare, à 1615, date présumée de son dernier ouvrage, il y a trente ans, trente ans employés à un labeur sans relâche par le glorieux novateur. Et pour ces trente années de travail incessant l’in-folio ne nous donne que trente-cinq pièces, — soit un peu plus d’une pièce par an.
Or, rappelons-nous que dès 1592 l’activité du jeune écrivain, et comme auteur et comme réviseur d’ouvrages dramatiques, était telle qu’elle provoquait les fureurs de Greene qui le dénonçait comme « un corbeau paré des plumes d’autrui, » comme un arrogant parvenu aspirant à la dictature du théâtre et prétendant être le seul « ébranle-scène » de toute l’Angleterre. À cette période si féconde de lutte littéraire qui précéda l’attaque publique de Greene, la critique ne peut imputer que quatre ou cinq des ouvrages authentiques publiés par l’in-folio. Quatre ou cinq ouvrages joués en sept années suffisent-ils pour expliquer cette véhémente accusation d’accaparement que Greene lance contre son rival ? — D’autre part, le révérend John Ward, vicaire de Stratford-sur-Avon, affirme, vous vous en souvenez, que, retiré à Stratford dans les dernières années de sa vie, le poète livrait régulièrement au théâtre deux pièces par an. Or, la retraite de Shakespeare à Stratford date, selon la conjecture la plus probable, de l’année 1604. La période de onze années, comprise entre 1604 et 1615, devrait nous fournir vingt-deux ouvrages, d’après l’information donnée par le vicaire, et à cette période la critique, après avoir fait la part des vingt années précédentes, ne peut attribuer que onze au plus des ouvrages authentiques insérés dans l’in-folio. Que sont devenus les onze autres ouvrages que le vicaire John Ward nous autorise à réclamer ? Que sont