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ACTE II, SCÈNE I.

plus dur, Palémon, nous atteindre non mariés ! — Les doux embrassements d’une femme aimante, — surchargés de baisers, renforcés de mille Cupidons, — n’étreindront jamais nos cous. Nul enfant ne nous reconnaîtra : — jamais nous ne verrons d’images de nous-mêmes — pour la joie de notre vieillesse ; nous n’enseignerons pas à de jeunes aiglons — à regarder fixement les armes étincelantes, et nous ne leur dirons pas : — Souvenez-vous de ce que furent vos pères, et triomphez ! — Les jeunes filles aux beaux yeux pleureront notre bannissement, — et maudiront dans leurs chansons la fortune toujours aveugle, — jusqu’à ce que, honteuse, elle reconnaisse quel tort elle a fait — à la jeunesse et à la nature… Voici tout notre univers ; — nous ne connaîtrons ici que nous deux ; — nous n’entendrons rien que l’horloge qui comptera nos malheurs. — La vigne mûrira, mais nous ne la verrons jamais ; — l’été viendra, et avec toutes ses délices, — mais l’hiver au froid mortel demeurera toujours ici.

palémon.

— C’est trop vrai, Arcite ! À nos limiers thébains — qui ébranlaient l’antique forêt de leurs échos, — nous ne crierons plus : hallali ! Nous ne brandirons plus — nos javelines affilées, en voyant fuir — devant nos rages, comme un carquois parthe, le sanglier furieux, — frappé de nos traits acérés ! Tous ces vaillants exercices, — (aliment, nourriture des nobles âmes,) — sont ici terminés pour nous ; nous mourrons — finalement (ce qui est la malédiction de l’honneur) — enfants de la douleur et de l’ignorance !

arcite.

Pourtant, cousin, — du fond même de ces misères, — de toutes celles que la fortune peut nous infliger, — je vois surgir deux consolations, deux pures bénédictions, — s’il plaît aux dieux de nous les continuer : une valeureuse patience, — et la joie pour nous de souffrir ensemble ! — Tant