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même que nous sommeillons. Les Etres intellectuels & moraux, non moins

    Sirene, l’Hyppogrife, le Faune, le Sphinx, la Chimere, & les Dragons aîlés ? mais n’appercevez-vous pas que ces Enfans de l’imagination des Peintres & des Poëtes n’ont rien d’absurde dans leur conformation ; que, quoiqu’ils n’existent pas dans la Nature, ils n’ont rien de contradictoire aux idées de liaison, d’harmonie, d’ordre & de proportion : il y a plus ; n’est-il pas constant qu’aussi-tôt que ces figures pécheront contre ces idées, elles cesseront d’être belles ? Cependant puisque ces Etres n’existent point dans la Nature, qui est-ce qui a déterminé la longueur de la queuë de Sirene, l’étendue des aîles du Dragon, la position des yeux du Sphinx, & la grosseur de la cuisse veluë & du pied fourchu des Sylvains ? Car ces choses ne sont pas arbitraires. On peut répondre que pour appeller beaux, ces Etres possibles, nous avons désiré sans fondement que la Peinture observât en eux les mêmes rapports que ceux que nous avons trouvé établis dans les Etres existans, & que c’est encore ici la ressemblance qui produit notre admiration. La question se réduit donc enfin à sçavoir si c’est raison ou caprice qui nous a fait exiger l’observation de la loi des Etres réels dans la Peinture des Etres imaginaires ; question décidée, si l’on remarque que dans un Tableau, le Sphinx, l’Hyppogrife, & le Sylvain sont en action ou sont superflus : s’ils agissent, les voilà placés sur la toile, de même