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s’étend à quatre choses : à l’instruction ou aux suggestions de la Nature ; à l’impulsion nécessaire de nos dispositions passives ; à l’établissement des lois et des coutumes, et à la culture des arts. Je dis, à l’instruction de la Nature parce que naturellement nous avons des sens et une intelligence pour nous conduire dans la vie ; à l’impulsion nécessaire de nos dispositions passives parce que, par exemple, la faim nous oblige à manger et la soif à boire ; à la constitution des lois & des coutumes parce que cet établissement nous fait croire que c’est une bonne chose de se gouverner avec piété dans la conduite de la vie, et que c’est un mal d’agir avec impiété ; à la connaissance pratique des arts parce que nous ne prétendons pas être inutiles et languissants dans les arts que nous entreprenons de cultiver. Au reste, nous disons toutes ces choses, sans établir aucun dogme.

Chap. XII Quelle est la fin du scepticisme.

Il est à propos de dire ici quelque chose de la fin du scepticisme. La fin en général, est ce pour quoi on fait, ou on considère toutes choses : c’est ce que l’on ne recherche point pour quelque autre chose : c’est ce qui est la dernière chose que l’on recherche. Nous disons donc maintenant, que la fin du philosophe sceptique est l’Ataraxie, ou l’exemption de trouble à l’égard des opinions, et la Métriopathie, ou la modération des passions ou des souffrances dans les perceptions nécessaires et contraintes. Le sceptique commençant à philosopher, et voulant discerner les différentes perceptions qu’il avait des objets, et connaître celles qui étaient vraies et celles qui étaient fausses, pour s’exempter par là d’inquiétude, si cela était possible ; ayant rencontré des raisons contraires de pareille force dans les différents sentiments des philosophes et ne pouvant juger de quel côté était la vérité, il suspendit son jugement ; et alors l’Ataraxie ou l’exemption de trouble, fut une suite heureuse, quoique fortuite, de cette suspension de son jugement à l’égard des opinions. Cette suite est juste ; car enfin celui qui opine dogmatiquement, et qui établit qu’il y a naturellement et réellement quelque bien et quelque mal, est toujours troublé. Tant qu’il manque des choses qu’il croit être des biens, il s’imagine que des maux vrais et réels le tourmentent, et il recherche avec ardeur ce qu’il croit être de vrais biens : et s’il les obtient enfin, il tombe encore dans plusieurs troubles ; soit parce qu’il n’agit plus alors conformément à la raison, et qu’il s’élève sans mesure, soit parce que craignant quelque changement il fait tous ses efforts pour ne pas perdre les choses qu’il regarde comme des biens. Au contraire, celui, qui ne détermine rien, et qui est incertain sur la nature de ce que l’on envisage comme des biens et des maux, cet homme-là ne fuit, ni ne poursuit rien avec trop de violence, et par conséquent il est exempt de trouble.

Il arrive