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mais ceci ſuffit pour faire voir, que peut-eſtre n’eſt-il pas vrai que les ſens ſeuls puiſſent juger des objets extérieurs. Ainſi paſſons à l’entendement.

Ceux qui veulent que l’on ſuive l’entendement ſeul pour juger des choſes, doivent prouver d’abord qu’il y a un entendement. Mais ils ne pourront jamais faire comprendre que cela puiſſe eſtre démontre. Gorgias dit que rien n’exiſte, non pas meſme l’entendement ; & d’autres diſent que l’entendement eſt une choſe exiſtante. Comment décideront-ils cette controverſe ? Ce ne fera pas par l’entendement, autrement ils uſurperont, comme déjà prouvé, ce qui eſt en queſtion. Ce ne ſera pas non plus par autre choſe, puiſqu’ils ſuppoſent icy qu’on doit ſe ſervir de l’entendement ſeul pour juger des choſes. C’eſt donc une choſe que l’on ne peut décider, & qui eſt incompréhenſible, de ſavoir ſi l’entendement exiſte ou non. D’où on peut conclure qu’il ne faut pas ſuivre l’entendement ſeul dans le jugement des choſes, puiſqu’on ne l’a pas encore compris, & qu’on ne peut pas prouver s’il exiſte.

Mais accordons que l’on conçoive ce que c’eſt que l’entendement, & que ſon exiſtence foit une choſe avouée : je dis qu’il ne peut pas juger des choſes. Car s’il ne connaît pas exactement luy-meſme, s’il eſt dou-