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par un autre moyen, puiſque ſelon la ſuppoſition que les ſens ſeuls ſont les inſtruments par leſquels nous jugeons des choſes, il n’y a aucun autre inſtrument de jugement dont nous puiſſions nous ſervir. Ce fera donc une choſe que l’on ne pourra décider, & qui fera incompréhenſible, de ſavoir ſi nos ſens ſont affectez d’une perception vaine, ou ſi cette perception eſt cauſée par quelque choſe de réel. Ce qui étant ainſi, il s’enfuit que pour juger des choſes nous ne devons pas employer les ſens ſeuls, puiſque nous ne pouvons pas dire qu’ils aperçoivent quoy que ce ſoyt de réel. Accordons néanmoins que les ſens ont la faculté d’apercevoir : on ne pourra point encore s’y fier, s’il s’agit de juger des objets extérieurs des ſens ; car les ſens ſont mus d’une manière contraire par de meſmes objets ſenſibles & extérieurs. Par exemple, le goût à la préſence du miel, a tantoſt un ſentiment d’amertume, & tantoſt une ſenſation de douceur : la vue aperçoit quelquefois un meſme corps comme s’il étoit de couleur de ſang, & quelquefois comme s’il étoit blanc : l’odorat n’eſt pas toujours d’accord avec luy meſme ; car un homme qui eſt ſujet aux maux de teſte, trouve déſagréable le parfum liquidé ; qu’il trouve agréable s’il eſt autrement affecté : les inſpirez & les frénétiques s’imaginent entendre