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J’avais à mon cou l’or clair des ducats,
Les mourantes fleurs mouraient sous nos pas.

Nous laissions mourir les fleurs de la terre,
Car nos bien-aimés partaient pour la guerre.

La neige à présent blanchit les prés nus,
Mais les bien-aimés ne sont plus venus.

Les Turcs ont passé, hordes meurtrières.
Oh ! les bien-aimés morts sur les frontières.

Qui nous les a pris ? qui nous les rendra ?
Lequel de nos cœurs jamais guérira ?

Ils ne viendront plus, les soirs diaphanes.
Danser avec nous au chant des tziganes.

Nous dansions le soir sous un arbre vert.
Souffle tristement, vent des nuits d’hiver !


II



J’avais une fleur printanière.
Elle est tombée à la rivière.
Fleur de printemps, petite fleur.
L’aube t’aimait, le flot t’a prise !
J’avais un cœur sous ma chemise.
Cœur de vingt ans, mon petit cœur.

J’avais un pommier aux fleurs blanches
Et des fleurs sur toutes les branches.
Pommier d’avril, petit pommier.
Elles sont mortes sous la grêle.
J’avais un collier lourd et frêle,
Collier d’argent, petit collier.

J’avais l’azur dans la prairie
Et dans mon cœur et dans ma vie.
Mois de mai, petit mois de mai.
Dis, pourquoi n’es-tu plus le même ?
J’avais aussi celui que j’aime,
Mon bien-aimé, mon bien-aimé !