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Ainsi, dans les cœurs faits pour aimer, l’amour embellit toutes choses, et rend délicieux le sentiment de la nature entière. Comme il établit en nous le rapport le plus grand qu’on puisse connaître hors de soi, il nous rend habiles au sentiment de tous les rapports, de toutes les harmonies ; il découvre à nos affections un monde nouveau. Emportés par ce mouvement rapide, séduits par cette énergie qui promet tout, et dont rien encore n’a pu nous désabuser, nous cherchons, nous sentons, nous aimons, nous voulons tout ce que la nature contient pour l’homme.

Mais les dégoûts de la vie viennent nous comprimer et nous forcer de nous replier en nous-mêmes. Dans notre marche rétrograde, nous nous attachons à abandonner les choses extérieures et à nous contenir dans nos besoins positifs ; centre de tristesse, où l’amertume et le silence de tant de choses n’attendent pas la mort, pour creuser à nos cœurs ce vide du tombeau où se consume et s’éteint tout ce qu’ils pouvaient avoir de candeur, de grâces, de désirs et de bonté primitive.

LETTRE XXII.

Fontainebleau, 12 octobre, II.

Il fallait bien revoir une fois tous les sites que j’aimais à fréquenter. Je parcours les plus éloignés, avant que les nuits soient froides, que les arbres se dépouillent, que les oiseaux s’éloignent.

Hier je me mis en chemin avant le jour ; la lune éclairait encore, et malgré l’aurore on pouvait discerner les ombres. Le vallon de Changy restait dans la nuit ; déjà j’étais sur les sommités d’Avon. Je descendis aux Basses-Loges, et j’arrivais à Valvin, lorsque le soleil, s’éle-