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taires. Un logement passable, une grange en bois, un potager fermé d’un large ruisseau, deux fontaines d’une bonne eau, quelques rocs, le bruit des torrents, la terre partout inclinée, des haies vives, une végétation abondante, un pré universel prolongé sous les hêtres épars et sous les châtaigniers jusqu’aux sapins de la montagne : tel est Charrières. Dés le même soir, je pris des arrangements avec le fermier ; puis j’allai voir le propriétaire, qui demeure à Montey, une demi-lieue plus loin. Il me fit les offres les plus obligeantes. Nous convînmes aussitôt, mais d’une manière moins favorable pour moi que sa première proposition. Ce qu’il voulait d’abord n’eût pu être accepté que par un ami ; et, ce qu’il me força d’accepter eût paru généreux de la part d’une ancienne connaissance. Il faut que cette manière d’agir soit naturelle dans quelques lieux, surtout dans certaines familles. Lorsque j’en parlai dans la sienne à Saint-Maurice, je ne vis point que cela surprît personne.

Je veux jouir de Charrières avant l’hiver. Je veux y être pour la récolte des châtaignes, et j’ai bien résolu de ne pas perdre la tranquille automne.

Dans vingt jours je prends possession de la maison, de la châtaigneraie, d’une partie des prés et des vergers. Je laisse au fermier l’autre partie des pâturages et des fruits, le jardin potager, l’endroit destiné au chanvre, et surtout le terrain labouré.

Le ruisseau traverse circulairement la partie que je me suis réservée. Ce sont les plus mauvaises terres, mais les plus beaux ombrages et les recoins les plus solitaires. la mousse y nuit à la récolte des foins ; les châtaigniers, trop pressés, y donnent peu de fruit ; l’on n’y a ménagé aucune vue sur la longue vallée du Rhône ; tout y est sauvage et abandonné ; on n’a pas même débarrassé un endroit resserré entre les rocs, où les arbres, renversés par le