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que, tout s’est accordé pour rendre impraticable un dessein que d’ailleurs il aurait fallu mûrir davantage, et maintenant il serait trop tard pour se livrer aux études qui en prépareraient l’exécution.

Que faire donc ? Je crois définitivement qu’il ne m’est donné que d’écrire. — Sur quels sujets ? — Déjà vous le savez à peu près. — D’après quel modèle ? — Assurément je n’imiterai personne, à moins que ce ne soit par une sorte de caprice, et dans un court passage. Je crois très-déplacé de prendre la manière d’un autre, si on peut en avoir une à soi. Quant à celui qui n’a pas la sienne, c’est-à-dire qui n’est jamais entraîné, jamais inspiré, à quoi lui sert d’écrire ? — Quel style enfin ? — Ni rigoureusement classique, ni inconsidérément libre. Pour mériter d’être lu, il faut observer les convenances réelles. — Mais qui en jugera ? — Moi, apparemment. N’ai-je pas lu les auteurs qui travaillèrent avec circonspection, comme ceux qui écrivirent avec plus d’indépendance ? C’est à moi de prendre, selon mes moyens, un milieu qui convienne, d’un côté à mon sujet ou à mon siècle, et de l’autre à mon caractère, sans manquer à dessein aux règles admises, mais sans les étudier expressément. — Quelles seront les garanties de succès ? — Les seules naturelles. S’il ne suffit pas de dire des choses vraies et de s’efforcer de les exposer d’une manière persuasive, je n’aurai point de succès : voilà tout. Je ne crois pas qu’il soit indispensable d’être approuvé de son vivant, à moins qu’on ne se voie condamné au malheur d’attendre de sa plume ses moyens de subsistance.

Passez les premiers, vous qui demandez de la gloire de salon. Passez, hommes de société, hommes considérables dans les pays où tout dépend de ces accointances, vous qui êtes féconds en idées du jour, en livres de parti, en expédients pour produire de l’effet, et qui, même après