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l’homme. Les saisons, le moment du jour, l’état du ciel, tout cela leur est étranger. Leurs habitudes sont comme la règle des moines ; c’est une autre loi qui ne considère qu’elle-même. Elle ne voit point dans la loi naturelle un ordre supérieur, mais seulement une suite d’incidents à peu près périodiques, une série de moyens ou d’obstacles qu’il faut employer ou vaincre selon la fantaisie des circonstances. Sans décider si c’est un mal ou non, j’avoue qu’il en doit être ainsi. Les opérations publiques, et presque tous les genres d’affaires, ont leur moment réglé longtemps d’avance ; elles exigent, à époque fixe, le concours de beaucoup d’hommes, et on ne saurait comment s’entendre si elles suivaient d’autres convenances que celles qui leur sont propres. Cette nécessité entraîne le reste : l’homme des villes, qui ne dépend plus des événements naturels, qui même les voit ou le gêner souvent ou le servir par hasard, se décide et doit se décider à arranger ses habitudes selon son état, selon les habitudes de ceux qu’il voit, selon l’habitude publique, selon l’opinion de la classe dont il est, ou que ses prétentions envisagent.

Une grande ville a toujours à peu près le même aspect ; les occupations ou les délassements y sont toujours à peu près les mêmes, et on y prend volontiers une manière d’être uniforme. Il serait effectivement fort incommode de se lever dès le matin dans les longs jours, et de se coucher plus tôt en décembre. Il est agréable et salubre de voir l’aurore ; mais que ferait-on après l’avoir vue entre les toits, après avoir entendu deux serins pendus à une lucarne saluer le soleil levant ? Un beau ciel, une douce température, une nuit éclairée par la lune, ne changent rien à votre manière ; vous finissez par dire : A quoi cela sert-il ? Et même, en trouvant mauvais l’ordre de choses qui le fait dire, il faudrait convenir que