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cabane fort misérable. Je vous attendais, m’a-t-il dit ; je savais que vous deviez venir ; dans quelques jours je n’y serai plus, et vous trouverez ici du changement. Ensuite nous avons été sur le lac, dans un petit bateau qu’il a fait tourner en se jetant dans l’eau. J’allai au fond ; je me noyais et je m’éveillai.

Fonsalbe prétend qu’un tel rêve doit être prophétique, et que je verrai un lac et une vallée semblables. Afin que le songe s’accomplisse, nous avons arrêté que, si je trouve jamais un pareil lieu, j’irai sur l’eau, pourvu que le bateau soit bien construit, que le temps soit calme, et qu’il n’y ait point de vieillard.

LETTRE LXXXVI.

Im., 16 novembre, IX.

Vous avez très-bien deviné ce que je n’avais fait que laisser entrevoir. Vous en concluez que déjà je me regarde comme un célibataire, et j’avoue que celui qui se regarde comme destiné à l’être est bien près de s’y résoudre.

Puisque la vie se trouve sans mouvement quand on lui ôte ses plus honnêtes mensonges, je crois avec vous que l’on peut perdre plus qu’on ne gagne à se tenir trop sur la défensive, à se refuser à ce lien hasardeux qui promet tant de délices, qui occasionne tant d’amertumes. Sans lui la vie domestique est vide et froide, surtout pour l’homme sédentaire. Heureux celui qui ne vit pas seul, et qui n’a pas à gémir de ne point vivre seul.

Je ne vois rien que l’on puisse de bonne foi nier ou combattre dans ce que vous dites en faveur du mariage. Ce que je vous objecterai, c’est ce dont vous ne parlez pas.

On doit se marier, cela est prouvé ; mais ce qui est devoir sous un rapport peut devenir folie, bêtise ou crime