Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/367

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

infinie que l’auteur de toute justice a nécessairement pour le péché, ainsi que les moyens inconcevables qu’il a employés pour le prévenir ou le réparer, avec l’empire continuel de l’injustice, et notre pouvoir de faire des crimes tant que bon nous semble. Je trouve quelques difficultés à concilier et la bonté infinie qui créa volontairement l’homme, et la science indubitable de ce qui en résulterait, avec l’éternité de supplices affreux pour les quarante-neuf cinquantièmes des hommes tant aimés. Je pourrais comme un autre parler longuement, adroitement ou savamment sur ces questions impénétrables ; mais, si jamais j’écris, je m’attacherai plutôt à ce qui concerne l’homme réuni en société dans sa vie temporelle, parce qu’il me semble qu’en observant seulement les conséquences pour lesquelles on a des données certaines, je pourrai penser des choses vraies et en dire d’utiles.

Je parviendrai jusqu’à un certain point à connaître l’homme, mais je ne puis deviner la nature. Je n’entends pas bien deux principes opposés, coéternellement faisant et défaisant. Je n’entends pas bien l’univers formé si tard, là où il n’y avait rien, subsistant pour un temps seulement, et coupant ainsi en trois parties l’indivisible éternité. Je n’aime point à parler sérieusement de ce que j’ignore ; animalis homo non percipit ea quæ sunt spiritûs Dei.

Je n’entendrai jamais comment l’homme, qui reconnaît en lui de l’intelligence, peut prétendre que le monde ne contient pas d’intelligence. Malheureusement, je ne vois pas mieux comment une faculté se trouve être une substance. On me dit : La pensée n’est pas un corps, un être physiquement divisible, ainsi la mort ne la détruira pas ; elle a commencé pourtant, mais vous voyez qu’elle ne saurait finir, et que, puisqu’elle n’est pas un corps, elle est nécessairement un esprit. Je l’avoue, j’ai le malheur