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suffire à celui qui n’a qu’elle dans la ville, qui n’est pas dupe des promesses d’un vain bruit, et qui sait le malheur des plaisirs.

Sans doute, s’il est un sort satisfaisant, c’est celui du propriétaire qui, sans autres soins, et sans état comme sans passions, tranquille dans un domaine agréable, dirige avec sagesse ses terres, sa maison, sa famille et lui-même, et, ne cherchant point les succès et les amertumes du monde, veut seulement jouir chaque jour de ces plaisirs faciles et répétés, de cette joie douce, mais durable, que chaque jour peut reproduire.

Avec une femme comme il en est, avec un ou deux enfants, et un ami comme vous savez, avec de la santé, un terrain suffisant dans un site heureux et l’esprit d’ordre, on a toute la félicité que l’homme sage puisse maintenir dans son cœur. Je possède une partie de ces biens ; mais celui qui a dix besoins n’est pas heureux quand neuf sont remplis : l’homme est, et doit être ainsi fait. La plainte me conviendrait mal ; et pourtant le bonheur reste loin de moi.

Je ne regrette point Paris ; mais je me rappelle une conversation que j’eus un jour avec un officier de distinction qui venait de quitter le service et de se fixer à Paris. J’étais chez M. T*** vers le soir : il y avait du monde, mais on descendit au jardin, et nous restâmes nous trois seulement ; il fit apporter du porter ; un peu après il sortit, et je me trouvai seul avec cet officier. Je n’ai pu oublier certaines parties de notre entretien. Je ne vous dirai point comment il vint à rouler sur ce sujet, et si le porter après dîner n’entra pas pour beaucoup dans cette sorte d’épanchement : quoi qu’il en soit, voici à peu de chose près ses propres termes. Vous verrez un homme qui compte n’être jamais las de s’amuser ; et il pourrait ne se pas tromper en cela, parce qu’il prétend assujettir