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qu’elle ne vous apprendra rien, sinon qu’il fait un temps d’hiver : c’est pour cela que je vous écris, et que je passe l’après-midi auprès du feu. La neige couvre les montagnes, les nuages sont très-bas, une pluie froide inonde les vallées ; il fait froid, même au bord du lac ; il n’y avait ici que cinq degrés à midi, et il n’y en avait pas deux un peu avant le lever du soleil[1].

Je ne trouve point désagréables ces petits hivers au milieu de l’été. Jusqu’à un certain point, le changement convient même aux hommes constants, même à ceux que leurs habitudes entraînent. Il est des organes qu’une action trop continue fatigue : je jouis entièrement du feu maintenant, au lieu que dans l’hiver il me gêne, et je m’en éloigne.

Ces vicissitudes, plus subites et plus grandes que dans les plaines, rendent plus intéressante, en quelque sorte, la température incommode des montagnes. Ce n’est point au maître qui le nourrit bien et le laisse en repos que le chien s’attache davantage, mais à celui qui le corrige et le caresse, le menace et lui pardonne. Un climat irrégulier, orageux, incertain, devient nécessaire à notre inquiétude ; un climat plus facile et plus uniforme qui nous satisfait, nous laisse indifférents.

Peut-être les jours égaux, le ciel sans nuages, l’été perpétuel, donnent-ils plus d’imagination à la multitude : ce qui viendrait de ce que les premiers besoins absorbent alors moins d’heures, et de ce que les hommes sont plus semblables dans ces contrées où il y a moins de diversité dans les temps, dans les formes, dans toutes choses. Mais les lieux pleins d’oppositions, de beautés et d’horreur, où l’on éprouve des situations contraires et des sentiments rapides, élèvent l’imagination de certains hommes vers le romantique, le mystérieux, l’idéal.

  1. Thermomètre dit de Réaumur.