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cachés et oubliés, et qui n’attendent pour produire des fruits admirables que l’industrie d’un bon cœur ! Toute une campagne est misérable et avilie : les besoins, l’inquiétude, le désordre ont flétri tous les cœurs ; tous souffrent et s’irritent. L’humeur, les divisions, les maladies, la mauvaise nourriture, l’éducation brutale, les habitudes malheureuses, tout peut être changé. L’union, l’ordre, la paix, la confiance peuvent être ramenés ; et l’espérance elle-même, et les mœurs heureuses ! Fécondité de l’argent !

Celui qui a pris un état, celui dont la vie peut être réglée, dont le revenu est toujours le même, qui est contenu dans cela, est borné là, comme un homme l’est par les lois de sa nature ; l’héritier d’un petit patrimoine, un ministre de campagne, un rentier tranquille peuvent calculer ce qu’ils ont, fixer leur dépense annuelle, réduire leurs besoins personnels aux besoins absolus, et compter alors tous les sous qui leur restent comme des jouissances qui ne périront point. Il ne doit pas sortir de leurs mains une seule monnaie qui ne ramène la joie ou le repos dans le cœur d’un malheureux.

J’entre avec affection dans cette cuisine patriarcale, sous un toit simple, dans l’angle de la vallée. J’y vois des légumes que l’on apprête avec un peu de lait, parce qu’ils sont moins coûteux ainsi qu’avec le beurre. On y fait une soupe avec des herbes, parce que le bouillon gras a été porté à une demi-lieue de là chez un malade. Les plus beaux fruits se vendent à la ville, et le produit sert à distribuer à chacune des femmes les moins aisées de l’endroit quelques bichets de farine de maïs qu’on ne leur donne pas comme une aumône, mais dont on leur montre à faire des gaudes et des galettes. Pour les fruits salubres et qui ne sont pas d’un grand prix, tels que les cerises, les groseilles, le raisin commun, on les consomme