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entre Lausanne et Vevay, passent pour dangereux. Mais, quand je suis seul, je ne fais usage que du courtailloux : c’est un vin de Neuchâtel, que l’on estime autant que le petit bourgogne : Tissot le regarde comme aussi salubre.

Dès que je serai propriétaire, je ne manquerai point de moyens de passer les heures, et d’occuper aux soins d’arranger, de bâtir, d’approvisionner, cette activité intérieure dont les besoins ne me laissent aucun repos dans l’inaction. Pendant le temps que dureront ces embarras, je diminuerai graduellement l’usage du vin ; et quant au thé, j’en quitterai tout à fait l’habitude : je veux à l’avenir n’en prendre que rarement. Lorsque tout sera arrangé, et que je pourrai commencer à suivre la manière de vivre que depuis si longtemps j’aurais voulu prendre, je me trouverai ainsi préparé à m’y conformer sans éprouver les inconvénients d’un changement trop subit et trop grand.

Pour les besoins de l’ennui, j’espère ne les plus connaître dès que je pourrai assujettir toutes mes habitudes à un plan général ; j’occuperai facilement les heures ; je mettrai à la place des désirs et des jouissances l’intérêt que l’on prend à faire ce qu’on a cru bon, et le plaisir de céder à ses propres lois.

Ce n’est pas que je me figure un bonheur qui ne m’est pas destiné, ou qui du moins est encore bien loin de moi. J’imagine seulement que je ne sentirai guère le poids du temps ; je pourrai prévenir l’ennui, ou bien je ne m’ennuierai plus qu’à ma manière.

Je ne veux pas m’assujettir à une règle monastique. Je me réserverai des ressources pour les instants où le vide sera plus accablant, mais la plupart seront prises dans le mouvement et dans l’activité. Les autres ressources auront leurs limites assez étroites, et l’extraordinaire lui-même sera réglé. Jusqu’à ce que ma vie soit remplie, j’ai besoin d’une règle fixe. Autrement, il me faudrait des excès sans