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Je conviens qu’il serait plus à propos de raisonner moins sur l’usage du thé, et d’en cesser l’excès ; mais dès qu’on a quelque habitude de ces sortes de choses, on ne sait plus où s’arrêter. S’il est difficile de quitter une telle habitude, il ne l’est pas moins peut-être de la régler, à moins que l’on ne puisse également régler toute sa manière de vivre. Je ne sais comment avoir beaucoup d’ordre dans une chose, quand il m’est interdit d’en avoir dans le reste ; comment mettre de la suite dans ma conduite, quand je n’ai aucun espoir d’en avoir une qui soit constante, et qui s’accorde avec mes autres habitudes ? C’est encore ainsi que je ne sais rien faire sans moyens : plusieurs hommes ont cet art de créer des moyens, ou de faire beaucoup avec très-peu. Pour moi, je saurais peut-être employer mes moyens avec ordre et utilité ; mais le premier pas demande un autre art, et cet art, je ne l’ai point. Je crois que ce défaut vient de ce qu’il m’est impossible de voir les choses autrement que dans toute leur étendue, celle du moins que je puis saisir. Je veux donc que leurs principales convenances soient toutes observées ; et le sentiment de l’ordre, poussé peut-être trop loin, ou du moins trop exclusif, ne me permet de rien faire, de rien conduire dans le désordre. J’aime mieux m’abandonner que de faire ce que je ne saurais bien faire. Il y a des hommes qui, sans rien avoir, établissent leur ménage ; ils empruntent, ils font valoir, ils s’intriguent, ils payeront quand ils pourront : en attendant, ils vivent et dorment tranquilles, quelquefois même ils réussissent. Je n’aurais pu me résoudre à une vie si précaire ; et quand