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espoir y repose. Tout est douleur, vide, abandon, si l’amour s’éloigne : s’il s’approche, tout est joie, espoir, félicité. Une voix lointaine, un son dans les airs, l’agitation des branches, le frémissement des eaux, tout l’annonce, tout l’exprime, tout imite ses accents et augmente les désirs. La grâce de la nature est dans le mouvement d’un bras ; la loi du monde est dans l’expression d’un regard. C’est pour l’amour que la lumière du matin vient éveiller les êtres et colorer les cieux ; pour lui les feux de midi font fermenter la terre humide sous la mousse des forêts ; c’est à lui que le soir destine l’aimable mélancolie de ses lueurs mystérieuses. Cette fontaine est celle de Vaucluse, ces rochers ceux de Meillerie, cette avenue celle des Pamplemousses. Le silence protège les rêves de l’amour ; le mouvement des eaux pénètre de sa douce agitation ; la fureur des vagues inspire ses efforts orageux, et tout commandera ses plaisirs quand la nuit sera douce, quand la lune embellira la nuit, quand la volupté sera dans les ombres et la lumière, dans la solitude, dans les airs et les eaux et la nuit.

Heureux délire ! seul moment resté à l’homme. Cette fleur rare, isolée, passagère sous le ciel nébuleux, sans abri, battue des vents, fatiguée par les orages, languit et meurt sans s’épanouir : le froid de l’air, une vapeur, un souffle, font avorter l’espoir dans son bouton flétri. On passe au delà, on espère encore, on se hâte ; plus loin, sur un sol aussi stérile, on en voit qui seront précaires, douteuses, instantanées comme elle, et qui comme elle périront inutiles. Heureux celui qui possède ce que l’homme doit chercher, et qui jouit de tout ce que l’homme doit sentir ! Heureux encore, dit-on, celui qui ne cherche rien, ne sent rien, n’a besoin de rien, et pour qui exister, c’est vivre !

Ce n’est pas seulement une erreur triste et farouche,