Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/276

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mutuellement partagées deviennent plus heureuses. C’est dans cette harmonie que tout ce qui existe s’achève, que tout ce qui est animé se repose et jouit. Ce complément de l’individu est principalement dans l’espèce. Pour l’homme, ce complément a deux modes dissemblables et analogues : voilà ce qui lui fut donné ; il a deux manières de sentir sa vie ; le reste est douleur ou fumée.

Toute possession que l’on ne partage point exaspère nos désirs sans remplir nos cœurs : elle ne les nourrit point, elle les creuse et les épuise.

Pour que l’union soit harmonique, celui qui jouit avec nous doit être semblable et différent. Cette convenance dans la même espèce se trouve ou dans la différence des individus, ou dans l’opposition des sexes. Le premier accord produit l’harmonie qui résulte de deux êtres semblables et différents avec le moindre degré d’opposition et le plus grand de similitude. Le second donne un résultat harmonique produit par la plus grande différence possible entre des semblables[1]. Tout choix, toute affection, toute union, tout bonheur est dans ces deux modes. Ce qui s’en écarte peut nous séduire, mais nous trompe et nous lasse ; ce qui leur est contraire nous égare et nous rend vicieux ou malheureux.

Nous n’avons plus de législateurs. Quelques anciens avaient entrepris de conduire l’homme par son cœur : nous les blâmons ne pouvant les suivre. Le soin des lois financières et pénales fait oublier les institutions. Nul génie n’a su trouver toutes les lois de la société, tous les devoirs de la vie dans le besoin qui unit les hommes, dans celui qui unit les sexes.

L’unité de l’espèce est divisée. Des êtres semblables sont pourtant assez différents pour que leurs oppositions

  1. La plus grande différence sans opposition repoussante, comme la plus grande similitude sans uniformité insipide.