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alliage éphémère ! Que veux-je ? que suis-je ? que demander à la nature ? Est-il un système universel, des convenances, des droits selon nos besoins ? L’intelligence conduit-elle les résultats que mon intelligence voudrait attendre ? Toute cause est invisible, toute fin trompeuse ; toute forme change, toute durée s’épuise : et le tourment du cœur insatiable est le mouvement aveugle d’un météore errant dans le vide où il doit se perdre. Rien n’est possédé comme il est conçu : rien n’est connu comme il existe. Nous voyons les rapports, et non les essences : nous n’usons pas des choses, mais de leurs images. Cette nature cherchée au dehors et impénétrable dans nous est partout ténébreuse. Je sens est le seul mot de l’homme qui ne veut que des vérités. Et ce qui fait la certitude de mon être en est aussi le supplice. Je sens, j’existe pour me consumer en désirs indomptables, pour m’abreuver de la séduction d’un monde fantastique, pour rester atterré de sa voluptueuse erreur.

Le bonheur ne serait pas la première loi de la nature humaine ! Le plaisir ne serait pas le premier moteur du monde sensible ! Si nous ne cherchons pas le plaisir, quel sera notre but ? Si vivre n’est qu’exister, qu’avons-nous besoin de vivre ? Nous ne saurions découvrir ni la première cause ni le vrai motif d’aucun être : le pourquoi de l’univers reste inaccessible à l’intelligence individuelle. La fin de notre existence nous est inconnue ; tous les actes de la vie restent sans but : nos désirs, nos sollicitudes, nos affections, deviennent ridicules, si ces actes ne tendent pas au plaisir, si ces affections ne se le proposent pas.

L’homme s’aime lui-même, il aime l’homme, il aime tout ce qui est animé. Cet amour paraît nécessaire à l’être organisé ; c’est le mobile des forces qui le conservent. L’homme s’aime lui-même : sans ce principe actif comment agirait-il, et comment subsisterait-il ? L’homme aime