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point belle, mais qui est assez agréable et assez variée.

Voilà vingt jours bien passés, et qui n’ont coûté qu’à peu près onze louis. Si nous eussions fait cette course d’une manière en apparence plus commode, nous eussions été assujettis et souvent contrariés ; nous eussions dépensé beaucoup plus, et certainement elle nous eût donné moins d’amusement et de bonne humeur.

Un inconvénient encore plus grand dans des choses de ce genre, ce serait d’y porter une économie trop contrainte. S’il faut craindre à chaque auberge le moment où la carte paraîtra, et s’arranger, en demandant à dîner, de manière à demander le moins possible, il vaut beaucoup mieux ne pas sortir de chez soi. Tout plaisir où l’on ne porte pas quelque aisance et une certaine liberté cesse d’en être un. Il ne devient pas seulement indifférent, mais désagréable ; il donnait un espoir qu’il n’a pu remplir ; il n’est pas ce qu’il devait être ; et quelque peu de soins ou d’argent qu’il ait coûté, c’est au moins un sacrifice en pure perte.

Dans le peu que je connais en France, Chessel et Fontainebleau sont les seuls endroits où je consentirais volontiers à me fixer, et Chessel le seul où je désirerais vivre. Vous m’y verrez bientôt.

Je vous avais déjà dit que les trembles et les bouleaux de Chessel n’étaient pas comme d’autres trembles et d’autres bouleaux : les châtaigniers et les étangs et le bateau n’y sont pas comme ailleurs. Le ciel d’automne est là comme le ciel de la patrie. Ce raisin muscat, ces reines-marguerites d’une couleur pâle que vous n’aimiez point, et que maintenant nous aimons ensemble, et l’odeur du foin de Chessel, dans cette belle grange où nous sautions quand j’étais enfant ! Quel foin ! quels fromages à la crème ! les belles génisses ! Comme les marrons, en sortant du sac, roulent agréablement sur le