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un angle si peu sensible ! Comme vous voudrez ; laissons cela. Mais si je vous accorde que Lavater est un enthousiaste, vous m’accorderez qu’il n’est pas un radoteur. Je soutiens que de trouver le caractère, et surtout les facultés des hommes dans leurs traits, c’est une conception du génie, et non pas un écart de l’imagination. Examinez la tête d’un des hommes les plus étonnants des siècles modernes. Vous le savez ; en voyant son buste, j’ai deviné que c’était lui. Je n’avais nul autre indice que le rapport de ce qu’il avait fait avec ce que je voyais. Heureusement, je n’étais pas seul, et ce fait prouve en ma faveur. Au reste, nulles recherches peut-être ne sont moins susceptibles de la certitude des sciences exactes. Après des siècles, on pourra connaître assez bien le caractère, les inclinations, les moyens naturels ; mais on sera toujours exposé à l’erreur pour cette partie du caractère que les causes accidentelles modifient, sans avoir le temps ou le pouvoir d’altérer sensiblement les traits. De tous les ouvrages sur ce sujet difficile, les fragments de Lavater forment, je crois, le plus curieux : je vous le porterai. Nous l’avons parcouru trop superficiellement à Méterville, il faut que nous le lisions de nouveau. Je n’en veux rien dire de plus aujourd’hui, parce que je prévois que nous aurons le plaisir de beaucoup le disputer.

LETTRE LII.

Paris, 9 octobre, VII.

Je suis très-content de votre jeune ami. Je pense qu’il sera aimable homme, et je me crois sûr qu’il ne sera pas un aimable. Il part demain pour Lyon. Vous lui rappellerez qu’il laisse ici deux personnes dont il ne sera pas oublié. Vous devinez bien la seconde : elle est digne de l’aimer en mère ; mais elle est trop aimable pour n’être pas