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et soyons bons dans l’obscurité. Assez d’hommes, cherchant la renommée pour elle-même, donneront une impulsion peut-être nécessaire dans les grands États ; pour nous, cherchons seulement à faire ce qui devrait donner la gloire, et soyons indifférents sur ces fantaisies du destin, qui l’accordent souvent au bonheur, la refusent quelquefois à l’héroïsme, et la donnent si rarement à la pureté des intentions.

Je me sens depuis quelques jours un grand regret des choses simples. Je m’ennuie déjà à Paris : ce n’est pas que la ville me déplaise absolument, mais je ne saurais jamais me plaire dans les lieux où je ne suis qu’en passant. Et puis voici cette saison qui me rappelle toujours quelle douceur on pourrait trouver à la vie domestique, si deux amis, à la tête de deux familles peu nombreuses et bien unies, possédaient deux foyers voisins au fond des prés, entre des bois, près d’une ville, et loin pourtant de son influence. On consacre le matin aux occupations sérieuses ; et la soirée est pour ces petites choses, qui intéressent autant que les grandes, quand celles-ci n’agitent pas trop. Je ne désirerais pas maintenant une vie tout à fait obscure et oubliée dans les montagnes. Je ne veux plus des choses si simples ; puisque je n’ai pu avoir très-peu, je veux avoir davantage. Les refus obstinés de mon sort ont accru mes besoins ; je cherchais cette simplicité où repose le cœur de l’homme, et je ne désire maintenant que celle où son esprit peut aussi jouer un rôle. Je veux jouir de la paix, et avoir le plaisir d’arranger cette paix. Là où elle règne universellement, elle serait trop facile ; trouvant tout ce qu’il faudrait aux désirs du sage, je ne trouverais pas de quoi remplir les heures d’un esprit inquiet. Je commence à projeter, à porter les yeux sur l’avenir, à penser à un autre âge : j’aurais aussi la manie de vivre !