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La dévote dont je parlais n’évitait pas des imprudences, mais elle redoutait un fantôme. Il s’ensuivra naturellement que lorsqu’on lui aura dit à l’autel de coucher avec son mari, elle l’égratignera les premiers jours, et quelque temps après couchera avec un autre qui lui parlera du salut et des mortifications de la chair. Elle était effrayée quand on lui baisait la main, mais c’était par instinct ; elle s’y fait, et ne l’est plus quand on jouit d’elle. C’était son ambition d’être placée au ciel parmi les vierges ; mais elle n’est plus vierge ; cela est irremédiable, que lui importe le reste ? Elle devait tout à un époux céleste, et à l’exemple que la Vierge donna. Maintenant elle n’est plus la suivante de la Vierge, elle n’est plus épouse céleste ; un homme l’a possédée ; si un autre homme la possède aussi, quel grand changement cela fera-t-il ? Les droits d’un mari font très-peu d’impression sur elle ; elle n’a jamais réfléchi à des choses si mondaines ; il est très-possible même qu’elle les ignore, et il est très-certain du moins qu’elle n’en est pas frappée, parce qu’elle n’en sent pas la raison.

A la vérité, elle a reçu l’ordre d’être fidèle ; mais c’est un mot dont l’impression a passé, parce qu’il appartenait à un ordre de choses sur lequel elle n’arrête pas ses idées, sur lequel elle rougirait de s’entretenir avec elle-même. Dès qu’elle a couché avec un homme, ce qui l’embarrassait le plus est fait ; et s’il arrive qu’en l’absence de son mari, un homme plus saint que lui ait l’adresse de répondre à ses scrupules dans un moment de désirs ou de besoins, elle cédera comme elle a cédé en se mariant ; elle jouira avec moins de terreur que lors de ses premières jouissances, parce que c’est une chose qui n’est plus nouvelle, et qui fait un moins grand changement dans son état. Comme elle ne s’inquiète point d’une prudence terrestre, comme elle aurait horreur de porter de