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qu’on sache qu’ils les ont convertis ; je reviens à vous qui êtes vraiment persuadé, et qui voudriez me donner ce repos que je n’aurai point.

Je n’aime pas plus que l’on soit intolérant contre la religion qu’en sa faveur. Je n’approuve guère plus ses adversaires déclarés que ses zélateurs fanatiques. Je ne décide pas que l’on doive se hâter, dans certains pays, de détromper un peuple qui croit vraiment, pourvu qu’il ait passé le moment des guerres sacrées, et qu’il ne soit déjà plus dans la ferveur des conversions. Mais quand un culte est désenchanté, je trouve ridicule qu’on prétende en ramener les prestiges ; quand l’arche est usée, quand les lévites, embarrassés et pensifs autour de ses débris, me crient : N’approchez pas, votre souffle profane les ternirait, je suis obligé de les examiner, pour voir s’ils parlent sérieusement. — Sérieusement ? Sans doute ; et l’Église, qui ne périra point, va rendre à la foi des peuples cette antique ferveur dont le retour vous parait chimérique ! — Je ne suis pas fâché que vous en fassiez l’expérience ; je n’en conteste point le succès, et je le désirerais volontiers : ce serait un fait curieux.

Puisque c’est toujours à eux que je finis par m’adresser, il est temps de fermer une lettre qui n’est pas pour vous. Nous garderons chacun nos opinions sur ce point ; et nous nous entendrons très-bien sur les autres. Les manies superstitieuses et les écarts du zèle n’existent pas plus pour un véritable homme de bien, que les périls tant exagérés de ce qu’ils appellent ridiculement athéisme. Je ne désire pas que vous renonciez à cette croyance ; mais il est très-utile qu’on cesse de la regarder comme indispensable au cœur de l’homme, parce que, si on est conséquent, et si on prétend qu’il n’y a pas de morale sans elle, il faut rallumer les bûchers.