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mor ! Mais je vois les monuments des générations effacés ; je vois le caillou soumis à la main de l’homme, et qui existera cent siècles après lui. J’abandonne les soins de ce qui passe, et ces pensées du présent déjà perdu. Je m’arrête étonné ; j’écoute ce qui subsiste encore ; je voudrais entendre ce qui subsistera : je cherche dans le mouvement de la forêt, dans le bruit des pins, quelques-uns des accents de la langue éternelle.

Force vivante ! Dieu du monde ! J’admire ton œuvre, si l’homme doit rester ; et j’en suis atterré, s’il ne reste pas.

LETTRE XLIX.

Méterville, 14 septembre, VI.

Ainsi, parce que je n’ai point d’horreur pour vos dogmes, je serais près de les révérer ! Je pense que c’est tout le contraire. Vous avez, je crois, projeté de me convertir.

Dites-moi, me savez-vous quelque intérêt à ne pas admettre vos opinions religieuses ? Si je n’ai contre elles ni intérêt, ni partialité, ni passion, ni éloignement même, quelle prise auront-elles pour s’introduire dans une tête sans systèmes et dans un cœur que le remords ne leur préparera jamais ?

C’est l’intérêt des passions qui empêche d’être chrétien. Je dirais volontiers que voilà un argument bien misérable. Je vous parle en ennemi : nous sommes en état de guerre, vous en voulez un peu à ma liberté. Si vous accusez les non-crédules de n’avoir pas la conscience pure, j’accuserai les crédules de n’avoir pas un zèle sincère. Il résultera de tout cela de vains mots, un bavardage répété partout jusqu’à la satiété, et qui jamais ne prouvera rien.

Et si j’allais vous dire qu’il n’y a de chrétiens que les