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nous fait un œil qui pourrait tout voir ; elle met devant lui tout le mécanisme, toute l’organisation des choses, tous les prodiges de l’être infini : nous regardons, nous nous allons connaître, et voilà qu’elle ferme à jamais cet œil si admirablement préparé.

Pourquoi donc, ô hommes qui passez aujourd’hui ! voulez-vous des certitudes ? et jusques à quand faudra-t-il vous affirmer nos rêves pour que votre vanité dise : Je sais ? Vous êtes moins petits quand vous ignorez. Vous voulez qu’en parlant de la nature on vous dise, comme vos balances et vos chiffres : Ceci est, ceci n’est pas. Et bien, voici un roman ; sachez, soyez certains.

Le Nombre..... Nos dictionnaires définissent le nombre une collection d’unités ; en sorte que l’unité, qui est le principe de tous les nombres, devient étrangère au terme qui les exprime. Je suis fâché que notre langue n’ait pas un mot qui comprenne l’unité, et tous ses produits plus ou moins directs, plus ou moins complexes. Supposons tous deux que le mot nombre veut dire cela, et puisque j’ai un songe à vous conter, je vais reprendre un peu le ton des grandes vérités que je veux vous envoyer par le courrier de demain.

Écoutez, c’est de l’antiquité ; mais elle ne savait pas le calcul des fluxions[1].

Le nombre est le principe de toute dimension, de toute harmonie, de toute propriété, de toute agrégation ; il est la loi de l’univers organisé.

Sans les lois des nombres, la matière serait une masse informe, indigeste ; elle serait le chaos. La matière arrangée selon ces lois est le monde ; la nécessité de ces lois

  1. Obermann n’a pu avoir l’intention de ridiculiser des sciences qu’il admirait, et qu’il ne possédait pas. Sans doute il désirait seulement que les vastes progrès modernes ne portassent pas si inconsidérément les demi-savants à mépriser l’antiquité.