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ne les justifierait pas ainsi. Elle fut séduite, elle rêva encore ; elle mit, et alors rien ne se réalisa.

On n’ignore pas que les hommes sont trompés par de faux calculs et par la passion ; mais, dans ce qui peut être supputé mathématiquement, est-il bien vrai que tous les siècles croient à ce qui n’a en sa faveur qu’autant d’incidents que le hasard en doit donner ?

Moi-même, qui assurément ne m’occupais guère de ces sortes de rêves, il m’est arrivé trois fois de rêver que je voyais les numéros sortis. Un de ces songes n’eut point de rapport avec l’événement du lendemain ; le second en eut un aussi frappant que si l’on eût deviné un nombre sur quatre-vingt mille. Le dernier fut plus étrange ; j’avais vu dans cet ordre : 7, 39, 72, 81... Je n’avais pas vu le cinquième numéro, et quant au troisième, je l’avais mal discerné ; je n’étais pas assuré si c’était 72 ou 70. J’avais même noté tous deux, mais je penchai pour le 72. Cette fois, je voulus mettre au moins le quaterne, et je mis 7, 39, 72, 81. Si j’eusse choisi le 70, j’eusse eu le quaterne, ce qui est déjà extraordinaire, mais ce qui l’est bien davantage, c’est que ma note, faite exactement selon l’ordre dans lequel j’avais vu les quatre numéros, porta un terne déterminé, et que c’eût été un quaterne déterminé, si, en hésitant entre le 70 et le 72, j’eusse choisi le 70.

Est-il dans la nature une intention qui leurre les hommes, ou du moins beaucoup d’hommes ? Serait-ce un de ses moyens, une loi nécessaire pour les faire ce qu’ils sont ? ou bien, tous les peuples ont-ils été dans le délire en trouvant que les choses réalisées surpassaient évidemment l’occurrence naturelle ? La philosophie moderne le nie, elle nie tout ce qu’elle n’explique pas. Elle a remplacé celle qui expliquait ce qui n’était point.

Je suis loin d’affirmer, de croire positivement, qu’il y ait en effet dans la nature une force qui séduise les