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moines, ils se mêlèrent de tout, et partout on en trouva des troupes dans le luxe ou dans la mendicité.

Cette multitude est commode, dit-on, pour les fidèles. Mais il n’est pas bon qu’en cela le peuple trouve ainsi toutes ses commodités au coin de sa rue. Il est insensé de confier les fonctions religieuses à un million d’individus : c’est les abandonner continuellement aux derniers des hommes, c’est en compromettre la dignité ; c’est effacer l’empreinte sacrée dans un commerce trop habituel ; c’est avancer de beaucoup l’instant où doit périr tout ce qui n’a pas de fondements impérissables.

LETTRE XLV.

Chessel, 27 juillet, VI.

Je n’ai jamais pensé que ce fût une faiblesse d’avoir une larme pour des maux qui ne nous sont point personnels, pour un malheur qui nous est étranger, mais qui nous est bien connu. Il est mort : c’est peu de chose, qui est-ce qui ne meurt pas ? mais il a été constamment malheureux et triste ; jamais l’existence ne lui a été bonne ; il n’a eu que des douleurs, et maintenant il n’a plus rien. Je l’ai vu, je l’ai plaint : je le respectais, il était malheureux et bon. Il n’a pas eu des malheurs éclatants ; mais, en entrant dans la vie, il s’est trouvé sur une longue trace de dégoûts et d’ennuis ; il y est resté, il y a vécu, il y a vieilli avant l’âge, il s’y est éteint.

Je n’ai pas oublié ce bien de campagne qu’il désirait, et que j’allai voir avec lui, parce que j’en connaissais le propriétaire. Je lui disais : Vous y serez bien, vous y aurez des années meilleures, elles vous feront oublier les autres ; vous prendrez cet appartement-ci, vous y serez seul et tranquille. — J’y serais heureux, mais je ne le