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peut-être ensuite. Combien aussi d’actions héroïques n’eussent pas été faites s’il eût fallu, avant de hasarder sa vie, donner une heure à la discussion !

Je le répète, je n’ai point pris de résolution ; mais j’aime à voir qu’une ressource infaillible par elle-même, et dont l’idée peut souvent diminuer mon impatience, ne m’est pas interdite.

LETTRE XLIII.

Lyon, 30 mai, VI.

La Bruyère a dit : « Je ne haïrais pas d’être livré par la confiance à une personne raisonnable et d’en être gouverné en toutes choses, et absolument, et toujours. Je serais sûr de bien faire, sans avoir le soin de délibérer ; je jouirais de la tranquillité de celui qui est gouverné par la raison. »

Moi, je vous dis que je voudrais être esclave afin d’être indépendant ; mais je ne le dis qu’à vous. Je ne sais si vous appellerez cela une plaisanterie. Un homme chargé d’un rôle dans ce monde et qui peut faire céder les choses à sa volonté est sans doute plus libre qu’un esclave, ou du moins il a une vie plus satisfaisante, puisqu’il peut vivre selon sa pensée. Mais il y a des hommes entravés de toutes parts. S’ils font un mouvement, cette chaîne inextricable qui les enveloppe comme un filet les repousse dans leur nullité ; c’est un ressort qui réagit d’autant plus, qu’il est heurté avec plus de force. Que voulez-vous que fasse un pauvre homme ainsi embarrassé ? Malgré sa liberté apparente, il ne peut pas plus produire au dehors des actes de sa vie que celui qui consume la sienne dans un cachot. Ceux qui ont trouvé à leur cage un côté faible, et dont le sort avait oublié de river les fers, s’attribuant