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deur, s’il n’était affaibli et troublé par une perfection trompeuse.

Je vous le dis avec simplicité, si je vois ainsi, ce n’est pas ma faute, et je ne m’entête pas d’une vaine prétention : souvent j’ai voulu voir autrement, je ne l’ai jamais pu. Que vous dirai-je ? plus misérable qu’eux, je souffre parmi eux, parce qu’ils sont faibles ; et, dans une nature plus forte, je souffrirais encore, parce qu’ils m’ont affaibli comme eux.

Si vous pouviez savoir comme je m’occupe de ces riens qu’on quitterait à douze ans ; comme j’aime ces ronds d’un bois bien dur et propre, qui servent d’assiette vers les montagnes ; comme je conserve de vieux journaux, non pas pour les relire, mais on pourrait envelopper quelque chose avec un papier souple ! Comme à la vue d’une planche bien régulière, bien unie, je dirais volontiers : Que cela est beau ! tandis qu’un bijou bien travaillé me semble à peine curieux, et qu’une chaîne de diamants me fait hausser les épaules.

Je ne vois que l’utilité première ; les rapports indirects ont peine à me devenir familiers : je perdrais dix louis avec moins de regret qu’un couteau bien proportionné que j’aurais longtemps porté sur moi.

Vous me disiez, il y a déjà du temps : Ne négligez point vos affaires, et n’allez pas perdre ce qui vous reste ; vous n’êtes point de caractère à acquérir. Je crois que vous ne serez pas aujourd’hui d’un autre avis.

Suis-je borné aux petits intérêts ? Attribuerai-je ces singularités au goût des choses simples, à l’habitude des ennuis, ou bien sont-elles une manie puérile, signe d’inaptitude quant aux choses sociales, mâles et généreuses ? C’est quand je vois tant de grands enfants, desséchés par l’âge et par l’intérêt, parler d’occupations sérieuses ; c’est quand je porte l’œil du dégoût sur ma vie réprimée ;