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que le font les lieux, les saisons : et il est moins dissemblable à lui-même, et surtout moins péniblement changé que l’homme ordinaire toujours façonné selon les caprices des autres hommes, et travaillé par des vicissitudes bizarres et cruelles.

Chacun des jours rapides de la perpétuelle reproduction des années, apporte un changement sensible au degré progressif de la végétation, à l’état des cieux, à la situation de toutes choses : mais, dans sa marche, comme ascendante, puis rétrograde, la série annuelle se divise dans nos climats en deux saisons marquées ; dans l’une, principe de vie, tout se compose, s’augmente, s’anime, se développe ; dans l’autre, époque d’altération et de dissolution, tout se repose, s’arrête, se corrompt, se détruit. Dans leurs premiers momens, celle-là ajoute à notre vie, celle-ci nous communique de son repos, mais notre durée, plus longue que celle de la plante annuelle, résiste à leur action extrême pour ne se point épuiser dans son premier été, ni finir à son premier hiver. C’est ainsi que notre nature, se refusant à l’influence d’une activité trop consumante, et d’une décomposition trop prématurée, nous soustrait aux effets des deux pé-