Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 55 )


TROISIÈME RÊVERIE.



Tacitum sylvas inter reptare salubres Curantem quidquid dignum sapiente bonoque est !
Horace, Epit. IV.


Nulle innovation ne nous éloigne davantage de notre manière naturelle, et n’altère plus en nous l’habitude primitive, que l’effort de produire, sans occasion et sans besoin, des pensées relatives à des objets absens ou étrangers à nous. L’impression des premiers besoins, ce mouvement nécessaire que produit l’altération qui survient dans notre équilibre général, ou bien l’action des êtres extérieurs sur nos sens, doivent seuls nous donner nos sensations, et dès-lors imprimer seuls le mouvement aux organes qui les opposent, les estiment et jugent leurs différences. Vouloir penser sans occasion présente, c’est regarder en l’absence de la lumière ; aussi dans ces deux cas la pensée comme l’œil, saisissent, des fantômes. L’individu ne doit pas marcher seul ; sa volonté ne sauroit