Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/59

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 49 )

la confiante, le fanatisme, l’amour des prestiges séducteurs, des rêves immortels, toutes les illusions heureuses ; et jusqu’à la passion ; des liqueurs spiritueuses, de ces moyens enivrans qui rendent à l’imagination tout le charme de son délire 9 et aux sensations cette force victorieuse de toute considération réprimante.

De ces mêmes sources découlent indirectement les passions repoussantes et en quelque : sorte négatives : c’est du besoin de n’être pas réprimé dans notre activité et de nous y livrer sans souffrir, que viennent nos haines, nos craintes, nos antipathies, l’envie, la colère, la cruauté, la défiance, la pusillanimité, l’égoïsme, la lésinerie, l’avarice, l’indifférence à tout ce qui ne nous est pas personnel, et l’indolence pour tout ce qui n’est pas indispensable.

Nos nombreuses affections, en apparence si opposées, n’ont toutes qu’un même principe ; elles n’ont aussi qu’un même but, soit qu’elles y tendent directement en cherchant ce qui y conduit, ou indirectement en repoussant ce qui en éloigne ; mais la plupart concourent en même tems par ces deux voies à leur fin commune, et l’ambition elle-même, ce désir d’être plus que les autres, peut être justement