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formé ; et des lois plus ou moins compliquées de son organisation. Si ce nombre est fort grand, et ces lois très-propres à le maintenir, chaque ébranlement ne changeant que bien partiellement sa disposition, le second peut ne pas effacer tout à fait l’impression reçue par le premier[1]. Si l’organisation est plus parfaite encore, c’est-à-dire, extrêmement compliquée, chacune de ses altérations change peu dans sa disposition totale, comparativement à ce qu’elle en laisse subsister ; ce corps organisé peut donc conserver un nombre de traces des impressions reçues, il y aura donc en lui continuité, souvenir ; et lorsque l’impression actuelle ne sera pas assez forte pour absorber seule[2] toute sa faculté sensitive, il pourra estimer les différences entre ces impressions conservées ; il

  1. Alors il y a une différence sensible entre le bien-être et le mal-être, entre les sensations faciles ou qui conviennent à la conservation du corps organisé, et les sensations difficiles ou qui le conduisoient à sa destruction.
  2. Ainsi l’on ne raisonne plus quand on est passionné ; ainsi dans le vin l’on ne voit que le moment actuel ;… ainsi dans l’affoiblissement de la maladie, la superstition obtient, par la terreur, un facile triomphe sur beaucoup de ceux qui lui étoient inaccessibles lorsqu’ils pouvoient comparer et juger.