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Ainsi quoique tout choix soit illusoire, il est inévitable que l’homme délibère.

Ainsi, le bien et le mal existent dans les rapports des choses avec la conservation ou la destruction de tel être organisé[1].

Ainsi le juste et l’injuste existent dans l’ordre

    les assure, une volonté forte maîtrise les événemens ; c’est-à-dire, les apparences sont telles, l’homme est formé pour voir ainsi. La volonté forte est destinée à avoir pour objet les événemens qui arriveront, et l’on sent par ce qui vient d’être dit, combien facilement cette volonté, qui n’est qu’un produit des lois mécaniques du mouvement, se doit rencontrer souvent d’accord avec les autres produits de ces mêmes lois. S’il en est autrement, que l’on explique comment cette volonté, quelquefois si féconde en grandes choses, est ailleurs arrêtée par le plus petit événement ; comment le héros qui paroît à Nerva contraindre les destinées, voit tous ses desseins audacieux anéantis par la balle perdue de Frédéricshall. Nul effet n’est le produit libre d’une cause particulière, mais de la marche universelle, et toute prétendue cause libre n’est elle-même que le résultat nécessaire de causes qui lui sont antérieures de dix mille siècles.

  1. Le meurtre d’un lièvre est un mal pour le lièvre qu’il détruit, et un bien pour les aiglons auxquels le porte l’aigle ravisseur. Toute chose est à la fois bien et mal dans ses divers rapports.